Younes Bessa, trente ans, est livreur depuis un an chez Nescal. Il transporte des bonbonnes d’eau. C’est jour de grève en ce mois de février à Marseille. Réaction sur le vif, rue Paradis, d’un travailleur empêché.
Normalement, j’suis en poids lourd. Là, c’est l’exception, j’fais un peu centre-ville. C’est catastrophique, sur la Canebière, tout ça, c’est impossible de passer : les travaux et les manifestations Cgt et j’sais pas quoi. Ils ont bloqué la Canebière, le Cours Lieutaud, et tout ça.
Quand la rue est bloquée...
On fait d’autres clients. Mais parfois, on fait rien, on est bloqué. Dans ce cas, ça m’arrive de faire cinq cents mètres avec le diable pour aller livrer un client. Je fais plus d’heures : aujourd’hui je devais finir à 14 heures mais, là, c’est pas possible, je finirai pas avant 17 heures, c’est le minimum. On est payé au nombre de bons livrés ; après on a le salaire brut, tout ça, mais les heures sup ne sont pas payées.
Quand les automobilistes sont derrière...
Ils sont chiants. Ils patientent même pas cinq minutes pour qu’on aille livrer un client ou quoi que ce soit. J’me dispute pas parce que je les calcule pas, quoi ! Je vais dans mon camion, et je m’en vais. Si à chaque fois on discute avec un client ou on se prend la tête. Franchement...
Quand la police intervient...
Les p.v. c’est nous qu’on les paye, c’est pas la société. Pourtant c’est le véhicule de la société, mais on peut jouer un autre jeu : ne pas donner le pv à la société, on le jette et après, eux, ils se débrouillent. Mais sinon, on leur donne, et on paye l’amende : 35 euros, c’est un minimum. Pendant l’été on en a trois, quatre par jour en travaillant dans le centre-ville.
Quand les bornes s’en mêlent...
J’vous donne un exemple : la rue Saint-Ferréol ; ils disent "Livraison le matin", parce que sinon y’a les bornes qui sortent du sol. Alors j’arrive à 8 heures, mais les magasins n’ouvrent qu’à 10 heures. Là, c’est pas possible de rouler, y’a tout le monde qui arrive, les gens qui viennent faire leurs courses. Alors on est bloqué. C’est dur, hein ! Ah non, franchement, c’est pas un travail de bureau.
Quand c’est l’accident...
Récemment, j’ai plié mon camion : déformation de la route. C’est la vie ! Dans ce cas, c’est l’assurance de la société qui paye.
Quand la fourrière rôde...
On dit à la société, mais ils s’en foutent : ils remplissent le camion pour les tournées, ils font les papiers, on monte dans le camion et on livre. Faut faire notre travail, quoi ! Si on n’a pas livré un client, il faut justifier pourquoi on l’a pas fait. Par exemple, moi je devais vider mon camion trois fois, et je n’en suis qu’à ma première, et il est 11heures. Mais on n’est pas pénalisé sur le salaire, puisqu’on est payé sur le nombre de livraisons.
Quand le tram arrivera...
Y’aura moins de circulation. À mon avis, ce sera mieux, ouais. Quand ce sera fini, en 2007.
Propos recueillis le 02/02/06 par Christophe Péridier ; rédaction : Patricia Rouillard.
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