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Recyclage posologique - Mutations urbaines - Le tri arrive - La revue du témoignage urbain

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Le tri arrive

Recyclage posologique

« Tout, tout ce qui peut être réutilisable, on récupère. Les produits et les médicaments non utilisés que nous ramènent les clients. Nous, on nous ramène les produits, on les fait passer, on sert d’intermédiaire… Depuis l’origine de la pharmacie, c’est-à-dire depuis dix ans. Chaque pharmacien décide ou non de le faire, c’est une option personnelle, c’est pas… Il y a des pharmaciens qui le font, il y en a d’autres qui le font pas… mais c’est une option personnelle. » Marie-Thérèse, 50 ans, pharmacienne adjointe.


cyclamed - photo : JLopez
 cyclamed - photo : JLopez

Koinai : Effectuez-vous un tri sélectif dans votre pharmacie ?
Alors, est-ce qu’on effectue un tri sélectif ? On récupère des médicaments, après qui sont destinés à des associations, donc… ce sera les associations qui feront le tri des médicaments dont ils vont avoir besoin ou pas, voilà.

K : Ce tri nécessite-t-il un aménagement particulier ?
Un local où l’on entrepose ça, mais bon…

K : Où mettez-vous les médicaments ?
Dans des cartons.

K : Quelles contraintes le tri représente-t-il ?
Ben… justement, de la place, parce que bon, il faut entreposer. Nous on a une cuisine, on entrepose dedans, donc il faut de la place pour entreposer ces cartons parce que ça fait quand même pas mal de boîtages.

K : À quelle fréquence les médicaments sont-ils collectés ?
Nous on a une association qui passe régulièrement. Dès que l’on a plusieurs cartons, ils passent, on va dire une fois par mois, en gros. Ça va vite, le boîtage des médicaments.

K : Quels sont les avantages du tri ?
Aucun avantage, ah ! Aucun avantage, non, non non… C’est pour ça qu’il y a beaucoup de pharmaciens qui ne le font pas. Vous pouvez faire une enquête, je ne sais pas quel est le nombre mais il n’y a pas beaucoup de pharmaciens qui le font, qui perdent du temps pour faire ça. Il n’y a aucun bénéfice, si ce n’est personnel… Un engagement personnel.

K : Y a-t-il une personne qui s’en occupe ?
Non, non non. C’est à tour de rôle, c’est chacun qui récupère. Ce n’est pas du tout quelque chose d’organisé.

K : Ce tri représente-t-il un coût ?
Un coût, bien sûr ! Dans la mesure où il y a du personnel qui s’en occupe… Donc, automatiquement, c’est pour ça que c’est vraiment à titre tout à fait bénévole et pour le pharmacien qui décide de le faire, il utilise son personnel à faire ça, voilà.

K : Y a-t-il des produits qu’il est obligatoire de rapporter ?
Quand je parle d’obligation, c’est surtout des produits… pour les fortes douleurs, ceux qu’on appelle les toxiques dérivés de l’opium et cetera, morphine, voilà. Il est effectivement conseillé de les ramener, on conseille aux personnes de les ramener, et dans les emballages des médicaments figure l’obligation de ramener à son pharmacien les produits, les restes et les emballages vides.

K : Quels sont les produits les plus ramenés ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que de moins en moins, on récupère des produits parce que les gens font davantage attention au moment de l’achat, ils ne stockent pas, c’est-à-dire ils prennent les médicaments dont ils ont besoin et puis ils ne stockent pas les boîtes chez eux. On a de moins en moins de boîtes qui sont éliminées par les clients. C’est dû au fait que maintenant, c’est de plus en plus payant. On demande une participation et donc, les gens font automatiquement attention à ce qu’ils achètent. Avant, par le passé, on va dire que on favorisait en quelque sorte l’achat de médicaments et du coup, on prescrivait beaucoup. La mentalité a changé au niveau des consommateurs on va dire, des malades.

K : Que deviennent ces produits, une fois recyclés ?
On ne sait pas du tout quelle est vraiment la destination finale. Là peut-être il faudrait s’adresser mettons… à une organisation commePharmaciens sans Frontières pour leur demander que deviennent les produits qu’ils récupèrent dans les pharmacies. Alors, ça dépend si on parle des associations qui viennent récupérer chez nous les médicaments, eux ils vont faire le tri de ce qui les intéresse pour les envoyer dans les endroits qui en ont besoin. Par exemple, peut-être ils vont choisir des antibiotiques, peut-être ils vont choisir des pansements, ils vont éliminer des produits dont ils n’ont pas besoin, voilà. Sinon, après, l’association Cyclamed quand ils récupéraient les médicaments, c’était essentiellement pour les éliminer de façon propre, incinération et cetera, avec récupération de chaleur, éventuellement, c’est-à-dire on fait brûler toutes ces boîtes, ces médicaments et cetera et ça génère de la chaleur qui est réutilisée pour chauffer, peut-être, je ne sais pas… mais ça se fait dans des usines. Dans certaines villes, quoi !

K : Ces médicaments ne dégagent-ils pas de fumées toxiques ?
Ça dépend… Je ne sais pas, je pense que là, c’est des endroits qui sont vraiment spécialisés dans la destruction, dans… Je ne sais pas précisément, hein. Mais le but c’était un peu ça, quoi. Tout ce qui n’était pas utilisé était brûlé et on récupérait au moins la chaleur.

K : Quels sont les déchets qui ne peuvent pas être recyclés ?
Ça dépend ; enfin, recyclés… Il n’y a pas grand chose, en fait, qui est recyclé, dans le sens ou cela va être réutilisé, parce que malheureusement la plupart des médicaments que l’on nous ramène n’intéresse pas les endroits qui n’ont pas accès aux médicaments. Eux, ce qui les intéresse surtout, c’est les antibiotiques et nous ce qu’on jette c’est des antidépresseurs, donc ça limite beaucoup la récupération. Donc la plupart des choses qui sont récupérées, c’est vrai que ça va partir à l’incinérateur.

K : Avez-vous des conteneurs à aiguilles ?
Alors ça c’est nouveau. Il y a un organisme qui vient, qui nous dépose des boîtes vides que l’on donne à tous nos clients gratuitement qui sont diabétiques, par exemple. Ils nous les ramènent remplies et il y a cet organisme qui passe nous les récupérer, nous les échanger avec les boîtes vides, ça se met un peu en route. Et ça, ça fonctionne, ça commence à fonctionner très bien et ça c’est une très bonne initiative, quoi. Après ils viennent nous les récupérer et puis pareil, ils s’en occupent, ils les détruisent. Nous, on ne sait pas le cheminement exact, nous, on ne sert que d’intermédiaire donc on ne sait pas…

K : Qu’en est-il du matériel orthopédique dit "de deuxième vie" ?
À ma connaissance, il n’y a pas vraiment… Surtout au niveau du matériel orthopédique de circuit organisé, ce qui est dommage parce que en fait, c’est vrai que au niveau des fauteuils, au niveau des béquilles, bon, c’est des produits qui peuvent éventuellement être réparés, qui peuvent avoir une deuxième vie et à part quelques associations vraiment très particulières qui récupèrent pour en faire profiter dans des pays autres, il n’y a pas de circuit officiel, c’est du matériel qui est cher et pour l’instant on ne se préoccupe pas de savoir si on peut réparer…

K : Qui est chargé de la collecte des produits destinés au recyclage ?
Il y a plusieurs organismes, maintenant chaque pharmacie est libre de faire un peu ce qu’elle veut, il n’y a pas d’obligation au niveau des pharmacies en ce qui concerne la récupération. Il n’y a aucune obligation, c’est du volontariat, c’est tout. C’est personnel, c’est personnel… Après, c’est vrai qu’à un moment donné il y avait ce qu’on appelait Cyclamed, mais qui n’existe plus maintenant en tant que organisme vraiment qui récupère les médicaments officiellement chez les pharmaciens. Après, chaque pharmacie est plus ou moins branchée sur des associations diverses, par exemple l’Ordre de Malte, Pharmaciens sans Frontières ou des associations et autres, qui vont passer, qui prennent contact avec les pharmaciens, et qui vont passer régulièrement dans les pharmacies qui veulent bien se charger de récupérer les médicaments pour eux.

K : Existe-t-il une réglementation européenne en matière de recyclage des produits pharmaceutiques ?
Oui, il y a une réglementation mais je ne connais pas bien les détails. C’est pour ça qu’il y a eu cet organisme, Cyclamed, qui a été créé, cette association, quoi. Mais comme il y a eu des problèmes de fonctionnement, c’est un peu tombé… C’est un peu en instance de… d’évolution, on va dire. Mais c’est vrai que les industriels, en principe, sont tenus de participer au recyclage des médicaments, récupérer les boîtes usagées pour les détruire de façon propre, quoi… voilà, pour pas que ce soit éliminé n’importe comment.

K : Y a-t-il un changement dans les prescriptions des médecins ?
Oui, oui, tout à fait. Ils sont un peu incités, on va dire, ils sont fortement incités : ils ont passé des accords avec les caisses, les organismes d’assurances sociales, quoi, pour limiter leurs prescriptions. On accepte de revaloriser leurs honoraires à condition qu’en contrepartie ils fassent attention à leurs prescriptions, donc donner des génériques, donc donner moins d’antibiotiques, et cetera et cetera.

K : Les laboratoires jouent-ils le jeu, sachant qu’on a souvent besoin de moins de cachets que contient une boîte ?
Ça, ça n’a rien à voir. Ça s’est toujours fait… Ç’a toujours été une polémique, mais bon, au niveau des laboratoires c’est un problème de fabrication, de rendement, de chaîne et cetera. On ne peut pas multiplier à l’infini les boîtages. Il faut savoir, quand un produit sort, ce n’est pas au hasard. Il sort pour un usage déterminé ; par exemple un antibiotique, on va dire que le traitement de l’antibiotique c’est minimum quatre jours. Le conditionnement des boîtes est fait pour une posologie normale, pour quatre jours. Après, libre au médecin de prescrire plus… Donc à ce moment-là il faudra une boîte et demie, et cetera. Mais, quand même, les conditionnements sont étudiés, ils ne sont pas faits n’importe comment ; les boîtes, si le traitement c’est un par jour, on aura des boîtes de trente jours pour faire le mois, on n’aura pas des boîtes de quarante-deux. Voilà, à l’origine il y a toujours une explication valable, quoi. C’est quand même dans la mesure du possible justement, parce que il y a des contraintes au niveau des fabrications, des chaînes de fabrication… On ne peut pas non plus multiplier.

K : Êtes-vous assez informée en matière de recyclage ?
Heu… on a les informations par nos instances professionnelles, oui. Après, c’est très personnel dans la mesure où c’est un service gratuit, c’est à chacun de s’engager ou pas. Pour le personnel, c’est tout à titre bénévole.

K : Comment sensibilisez-vous votre clientèle ?
Nous, on ne sensibilise pas, non, parce que ce n’est pas le rôle du pharmacien, c’est vraiment personnel. C’est chaque pharmacien qui est sensibilisé à titre individuel comme un citoyen normal, il le fait personnellement, il s’engage personnellement. C’est pas le rôle de la profession, mais on n’a pas de règles. À l’époque, il y avait Cyclamed, mais maintenant ça n’existe plus. Dans la mesure où, bon, c’est les services publics qui sensibilisent, les médias, la télé et cetera, quoi, il y a une prise de conscience générale au niveau de tout ce qui est recyclage, et cetera, ce qui fait que les gens ramènent.

K : Avez-vous vu un changement de mentalité ?
Oui, ils ramènent plus qu’avant oui, oui. C’est essentiellement les jeunes. Il y a une sensibilisation, quand même. Les gens se posent plus de questions. Disons, ils ne veulent pas jeter les médicaments n’importe où. Après, que ça serve à quelque chose ou pas, bon, ça c’est déjà différent parce que il y a des gens qui s’en préoccupent, d’autres non. Les personnes âgées, non, ce n’est pas dans leurs coutumes, au contraire, ils capitalisent, c’est un peu comme tout… Ce n’est pas dans la mentalité des personnes âgées. La mentalité des personnes âgées, c’était de mettre de côté au maximum, au cas où… il y aurait un problème ! Donc ce n’est pas du tout dans leur mentalité, ça. Mais la majorité, ce qui les inquiète surtout, c’est de ne pas laisser traîner des produits qui peuvent être dangereux. Donc la première raison pour laquelle ils nous ramènent les produits, c’est essentiellement ça, c’est pour éviter que il y ait des empoisonnements, voilà. Après, éventuellement pour réutiliser, mais ça… la plupart du temps c’est périmé.

K : Utilisez-vous des produits recyclés ?
Les sacs en papier, les sacs qu’on donne aux clients quand les gens viennent acheter leurs produits oui, c’est du papier recyclé. Mais c’est toujours personnel, c’est jamais…

K : Chez vous, faites-vous le tri ?
Tout à fait ! Mais un tri en dehors des médicaments ? Oui, oui, des emballages, verres, plastiques et cetera. C’est pour ça que je vous disais que c’est un engagement personnel.

K : Au niveau ménager, êtes-vous assez informée ?
Pas vraiment, pas vraiment… Les endroits où l’on peut déposer justement les emballages, tout ça, c’est peut-être… On n’est pas assez informé.

Propos recueillis le 02/10/06 par Mireille Perez ; rédaction : Odile Fourmillier et Christian Coursaget.

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