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La montagne dans le rétro - Mutations urbaines - Les transports marseillais en mouvement - Circulations - La revue du témoignage urbain

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Circulations

La montagne dans le rétro

À quarante-sept ans, Jacques Andonian a entamé le décompte des kilomètres jusqu’à la retraite. Encore à quelques centaines de stations de là, ce chauffeur de bus revient sur un métier qu’il a exercé à Paris, Briançon et, depuis une décennie, à Marseille. Point de vue sur les affres de la circulation pendant travaux, et retour sur les expériences antérieures.


La montagne dans le rétro
 La montagne dans le rétro

Koinai : Êtes-vous Marseillais ?
Je suis né en 59 à Aix-en-Provence. Mais je suis parti très jeune à la montagne, dans les Alpes, à Briançon où j’ai grandi. Mes racines sont là-haut. Je suis plus montagnard que Provençal. Moi, j’aime pas la ville. Il me faut la montagne, la campagne, les petits oiseaux, la nature. Là, je suis dans mon élément. Y a des gens qui aiment la ville ; j’ai des amis à Paris qui ne se voient pas vivre ailleurs. Tant mieux pour eux.

K : Chauffeur de bus, c’est comment ?
Tout ce qui est transport, à partir du moment où on est dans la circulation en ville, c’est pénible. J’ai des amis qui étaient taxis, le père, la mère et le fils aussi. Les parents sont à la retraite maintenant, et le fils a changé de métier, il n’en pouvait plus : la mauvaise circulation et le manque de civisme des gens... C’est quotidien, c’est les feux rouges, c’est les priorités, les couloirs de bus constamment occupés. Il faut avoir l’œil partout. Actuellement, c’est la panique complète. En ville, la Canebière, c’est bouché. Les gens ont l’habitude de prendre la voiture pour rien, et ils ont du mal à la perdre. J’ai fait dix ans à Paris, et ils étaient un peu plus civilisés, ils étaient plus respectueux du code de la route.

K : L’information sur les modifications de la voirie circule-t-elle bien ?
Nous, on est prévenus. S’ils sont obligés de dévier la ligne, c’est affiché dans les dépôts. Pour les gros changements, avec les travaux du tramway, on a reçu du courrier avec les plans. La RTM a un service qui s’occupe de ça, qui communique à la ville la fréquentation, les bouchons. Ils sont au courant. Ils sont obligés. Au début, c’était un peu la pagaille, la clientèle, les gens, étaient vraiment perdus. Parce que le terminus avait changé, le sens des bus aussi. Pourtant des informations étaient passées dans les terminus et des plans sont parus dans le journal. Certains disent qu’il n’y en a pas eu assez. En dehors de ces plans, le tram, dans l’esprit des gens, c’est assez fantomatique. Ce qu’il faut savoir, c’est que quand on n’est pas de la partie... Une fois sur le terrain, c’est différent.

K : Les gens perdus s’en prenaient-ils à vous ?
On est toujours les derniers, et les premiers pour certaines choses.

K : Êtes-vous formé pour réagir ?
Oui, il y a des petits séminaires anti-stress ou un peu de psychologie. La grande idée, c’est que les gens ne râlent pas sur nous, mais plutôt sur la RTM, il faut le voir comme ça. Mais sur le moment, c’est pas évident. Parfois, on ressent comme une injustice. On n’est pas là pour se faire engueuler ou se faire taper dessus. Comme on n’est pas toujours d’humeur égale, selon les problèmes qu’on a à côté, on n’a pas envie de supporter certaines choses qui n’auraient pas un rapport avec nous directement mais plutôt avec la RTM. Les gens assimilent le chauffeur à la RTM, donc ils s’en prennent à nous.

K : Considérez-vous que c’est un métier à risque ?
Y’a eu des périodes où il y a eu pas mal d’agressions. Y’en a toujours, mais on en parle moins. Moi, j’ai eu carrément affaire à des gens prêts à se battre. C’était limite. Il a fallu que je ferme les portes pour pas en arriver aux mains. Actuellement, au moindre regard, c’est : "Qu’est ce qu’il y a ? Qu’est ce que tu veux ? Pourquoi tu me regardes ?" Alors il faut éviter de leur demander de payer parce que ça ne leur plaît pas. S’ils ne demandent pas l’arrêt, il faut deviner, sinon on se fait insulter. Ce n’est pas systématique, heureusement ! Mais il y en a toujours dans le lot qui sont agressifs.

K : Quel aménagement urbain faciliterait la tournée ?
Ce qui facilite, ce sont les voies de bus, à partir du moment où elles sont respectées... Bon, maintenant il y a des travaux sur la Canebière. Vous allez la journée sur la Canebière, il y a toujours quelqu’un qui est garé, des camions qui chargent... Tout le temps.

K : Êtes-vous prêt à partager les voies avec les cyclistes ?
C’est dangereux, ça. Ils ont mis un petit remblai qui isole notre voie. Donc, le cycliste quand il sera derrière nous ou devant, qu’est-ce qu’il va faire ? Il va déboîter, il va passer devant, rouler dessus... Quand il pleut et cætera. En plus, on les double, après, eux, ils nous redoublent. Quand il y a un vélo devant, on est sûr de le doubler cinq à six fois. C’est une tension, un souci en plus : ne pas l’accrocher, ni le renverser, savoir s’il ne va pas tomber quand on est derrière lui ou devant. Ce n’est pas une bonne idée du tout.

K : Qui assure la formation des chauffeurs ?
J’ai fait dix ans à Paris, j’ai passé mon permis à la RATP. Maintenant, avec le système de l’Europe, ils n’ont plus le droit de faire ça. Ils ont le droit que de faire une formation sur le matériel. Le permis est donc à la charge des personnes. Je suis retourné à Briançon durant six ans. Je connaissais des amis à la RTM et suite aux grandes grèves de 1995, je crois, ils ont embauché pas mal de personnes, donc j’ai fait ma demande et j’ai été pris de suite. À Marseille, pour quelqu’un au chômage, les Assedics payent une partie et la RTM l’autre. Mais ça, c’est des formules qui changent tous les ans, au gré des besoins, au gré de la législation.

K : Qui conduira le tram ?
À mon avis, ceux qui étaient déjà sur le tramway avant, sur le 68, et qui ont été recasés dans le métro et un peu partout, vont recevoir une formation, reprendre leur poste là-dessus. Il va peut-être y avoir un appel à candidature interne. Et également externe, je pense. Il faut voir ça avec la Direction.

K : Aimeriez-vous passer chauffeur de tram ?
Faut voir. Ça peut être intéressant, hein ! Mais on sera dans la ville quand même, quoi ! Mais ça n’a rien à voir avec la conduite du bus, là, c’est la priorité absolue au tramway. C’est moins stressant, oui, c’est sûr.

K : La RTM est-elle en rachat ?
C’est pas un rachat. Une société privée va travailler sur la RTM avec le tramway : il sera RTM d’une part et l’autre, société privée. A priori ce sera la Connex, mais rien n’est décidé. C’est vrai que les syndicats, certaines personnes, ont peur.

K : Que craignent réellement les chauffeurs ?
Y’a des tensions entre des syndicats et les chauffeurs qui craignent, petit à petit, la privatisation et la perte de certains acquis. Non pas de finances, parce que, à la limite, il y a en France des réseaux privés mieux payés que nous. C’est plus au niveau des avantages sur le temps de travail, sur certaines primes qui disparaîtraient. L’ambiance est assez tendue, car tous n’ont pas le même point de vue. Certains grévistes n’ont pas respecté les non-grévistes. Il y a eu des bagarres, quelques dégradations de véhicules - ça, c’est pas bien du tout - parce que des syndicats et les chauffeurs ont repris avant la fin de la grève.

K : À quand la retraite ?
Encore treize ans. Ça va être dur ! À moins de se trouver une petite ligne de banlieue. Si j’étais resté à Paris, je n’aurais que trois ans à faire. À Paris, ils ont la retraite à cinquante ans et tous les cinq ans, ils gagnent un an de retraite. Au bout de vingt-cinq ans de boîte, ils ont gagné cinq ans, et ils peuvent partir à cinquante ans ! Donc il faut avoir vingt-cinq ans de boîte ou cinquante ans d’âge. Ça fait une grosse différence avec ici, parce que dix ans, c’est pas rien, hein ? Avant, quand ça s’appelait RATVM, c’était comme la RATP. Ils avaient le même statut que la SNCF, ils avaient la retraite à cinquante-cinq ans. Je crois que c’est Gaston Deferre qui a cassé la baraque, quoi ! Ils ont perdu ce statut-là. Ça serait bien qu’ils le récupèrent, parce que arriver à soixante ans derrière le volant, c’est dur, hein ! Ne serait-ce que pour les horaires, quand il faut se lever à trois heures ou quatre heures du matin...

K : Quel est le salaire de départ ?
Un peu plus que le Smic. Mais ça monte assez vite. Il y a l’ancienneté : un an, trois ans, cinq ans. Et puis il y a les primes : quand on commence tôt le matin ou qu’on finit tard le soir ; le dimanche ou les jours fériés. À ça viennent s’ajouter les primes de non accident. Ça monte assez vite.

K : Le tram est-il un concurrent du bus ?
Je ne pense pas. C’est évident qu’avec le tramway et, plus tard, les deux nouvelles lignes de métro, ça peut enlever ou raccourcir des lignes. Mais c’est le but, finalement, parce que trop de lignes vont en centre-ville. Mais je ne sais pas s’ils vont le dire ouvertement, ni comment ils vont gérer ça. Les lignes seront peut-être déviées. L’idée, c’est de desservir certains terminus des bus et certains points du métro pour poursuivre avec le tramway. Il fera partie intégrante du réseau de la RTM, du réseau de la ville. Dès qu’on sortira du métro, on pourra prendre le tramway avec le même billet. C’était déjà comme ça avant. À Marseille, ça devient nécessaire. Il faut vraiment libérer le centre-ville de toute cette circulation.

K : Avez-vous noté une hausse de la fréquentation des bus ?
Selon "CONTACT" le journal que l’on reçoit, ça a augmenté. Mais là, avec ces grèves, on a de nouveau une mauvaise image du public. C’est vrai, un mois et demi, ça fait long, ça fait mal, c’est sûr. C’est vrai que ça faisait longtemps que c’était pas arrivé. Ça dépend des périodes : des fois c’est à causes des agressions, après y’a autre chose.

K : La RTM recrute et, en même temps des bus vont disparaître...
Y’a pas mal de départs à la retraite et y a des gens qui ne restent pas à la RTM, qui ne restent pas dans les bus. Parce que c’est trop dur... C’est dur nerveusement. Et puis, comme on reste assis, il faut faire du sport pour évacuer. Quand on fait sept heures de conduite en ville, c’est les nerfs qui en prennent un coup, c’est pas le physique.

K : Et vous l’aimez, votre métier ?
C’est vrai qu’il y a des côtés sympathiques. Quand on est habitué à une certaine ligne, il y a les habitués qui discutent avec nous. Donc on finit par connaître la clientèle, ça c’est le côté sympathique. Moi, je suis régulièrement sur le 27, le 3, le 5. Ce sont des petites lignes de banlieue. Bon, parfois je fais aussi le 41, malheureusement. Suite à des problèmes de santé, ils me laissent des lignes assez tranquilles.

Propos recueillis par Christophe Péridier le 05/01/06 ; rédaction Patricia Rouillard.

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