Evelyne, 51 ans, est mariée depuis trente ans. Elle est grand-mère et travaille dans un Centre Interinstitutionnel de Bilans de Compétences. D’une grande lucidité, elle nous dessine le portrait de sa vie de femme. Pour elle, aucune ne ressemble à une autre...
Koinai : Pour vous, que représente la femme ?
L’avenir de l’homme, parce que c’est elle qui met les enfants au monde. Forcément, elle a une projection dans le futur. D’ailleurs, les valeurs féminines sont en voie d’être reconnues. J’espère que ça va continuer comme ça. Notre société s’humanise.
K : Qu’est-ce pour vous être une femme ?
Déjà, c’est être moi-même. C’est un choix, d’être une femme, parce qu’à priori, je me vis comme un être humain. Quand j’ai un projet, pour l’atteindre, je ne réfléchis pas forcément à cette question. Etre femme, c’est la cerise sur le gâteau ; c’est un plaisir supplémentaire d’être vivant et acteur de sa vie. C’est seulement après qu’on se rend compte qu’on est une femme. Etant une femme, on a des comportements dits féminins.
K : Pensez-vous qu’il y ait entre les deux sexes des inégalités, et quelles sont-elles ?
Il y a d’abord des différences. C’est la société qui transforme ces différences en inégalités. Mais maintenant, pour une femme, il y a des inégalités sociales. Des enquêtes récentes montrent qu’à statut égal, dans la même société, les femmes sont souvent moins payées que les hommes. Alors quel sens on peut donner à cela ? Je ne sais pas. Il y en a beaucoup sûrement, mais c’est un fait. C’est la première inégalité. La deuxième inégalité, c’est que quand une femme et un homme travaillent en couple, c’est encore la femme qui assume à quatre vingt dix pour cent l’éducation des enfants, c’est aussi elle qui est concernée par les tâches quotidiennes du foyer. Je parle de notre société. Maintenant il y en a d’autres où les inégalités sont beaucoup plus criantes, beaucoup plus visibles.
K : Que pensez-vous de la femme dans la politique ?
Il en faudrait davantage. Elles se projettent dans le futur, elles sont très organisées, ont un esprit pratique plus développé en général que celui des hommes politiques. Elles n’ont pas les pensées forcément obscurcies par l’ambition. Sur le plan psychologique, je trouve qu’une femme politique va poser des actions concrètes, changer les choses et améliorer la vie des citoyens. Les femmes ont une intelligence qui les porte à ce type d’actions. On voit qu’en politique elles restent peu présentes.
K : Quel rôle joue la femme dans la société ?
Elles sont dans les métiers du social, de l’éducation, de l’enseignement, de l’enfance. Elles y sont toujours en majorité. Il y a un peu plus d’hommes qui viennent dans ce type de domaine, et après, il y a la place qu’on leur laisse, c’est la place qu’elles-mêmes se donnent, en fait. Mais en général il n’y a rien qui soit acquis pour elles. Il faut souvent qu’elles démontrent leurs capacités, encore plus que les hommes, surtout si elles veulent devenir chef, cadre.
K : Est-il indispensable pour une femme d’avoir une vie de couple ?
Aucune femme ne ressemble à une autre. Il y en a qui ont besoin d’une vie de couple, il y en a qui ne peuvent pas, ne savent pas vivre en couple. On ne peut pas dire que la femme ait besoin de vivre en couple. Moi oui (rires). Moi j’ai besoin d’avoir une vie de couple. Ça fait trente ans que je vis en couple, donc c’est une seconde nature chez moi. Si je devais ne pas vivre en couple, il me faudrait sûrement un temps d’adaptation. Ça peut arriver, on ne sait jamais, dans la vie. Je ferais avec, comme tout le monde, ou peut-être que je chercherais rapidement un autre conjoint (rires).
K : Est-ce important, d’avoir des enfants ?
Mes enfants, c’est quatre-vingt dix pour cent de ma vie. Pourtant je passe beaucoup de temps au travail, j’ai des ami(e)s, mais quand même, mes enfants restent essentiels. C’est la base de ma vie. Alors pourquoi ? C’est vrai que, puisque j’ai été mère à vingt ans, pour moi ça me paraissait évident. Je ne me voyais pas, je ne m’imaginais pas sans enfant, même quand j’étais adolescente ou petite fille : "Plus tard, je serai mère de famille", c’était une évidence. Alors est-ce que ça m’est particulier, ou est-ce que toute petite ou toute jeune fille, les femmes pensent comme ça, à leur maternité future ?
K : Avez-vous un regard critique sur les femmes qui ne désirent pas avoir d’enfants ?
C’est leur droit. Parce qu’avec le recul, je pense qu’il faut une dose d’inconscience pour faire des enfants. Cette inconscience, on l’a à vingt ans, mais à cinquante, on ne l’a plus.
K : Le regard des hommes vous laisse-t-il indifférente ?
C’est vrai que, quand on est jeune, on attache pas mal d’importance au regard de l’homme. Maintenant, c’est toujours agréable d’être regardée par un homme qui a l’air de vous trouvez charmante, mais on n’y accorde pas la même valeur quand on a cinquante ans.
K : Avez-vous un avis sur la séduction ?
Elle est primordiale. Je trouve que faire attention à être un minimum séduisant, séduisante, c’est important. Il le faut, c’est ce qui permet d’enjoliver les relations, de les rendre plus agréables. Même si ce n’est pas essentiel, c’est le petit "plus" qui rend les choses plus jolies, plus agréables à regarder, pour la communication.
K : Un couple peut-il vivre séparément ?
Il y a couple à partir du moment où il y a un projet commun, même s’il n’y a pas un partage de tous les instants à cent pour cent ; il faut quand même qu’il y ait un projet commun. Le couple, ça commence quand il y a un partage des bons et des mauvais moments. Les personnes peuvent vivre séparément, mais s’il n’y a pour projet que d’aller au cinéma, au restaurant, je me demande si c’est vraiment un couple.
K : Que pensez-vous de l’infidélité ?
Je la déconseillerais aux jeunes couples parce que ça peut créer une rupture affective, psychologique ; une séparation, par conséquent, et c’est dommage.
K : Qu’entendez-vous par rupture psychologique ?
C’est un investissement du conjoint qui n’est plus le même. La personne est happée par une personne extérieure. Mais les enfants aussi subissent ce genre de rupture. Il y a un détournement de l’affectivité vers l’extérieur du couple et de la famille. Donc il y a moins de concentration, moins d’attention portée aux siens, ça provoque la rupture de la famille et du couple. Il ne faut pas grand chose, quelquefois, alors c’est idiot.
K : Que pensez-vous de la fidélité ?
C’est beau dans l’absolu. Ça renvoie à un sacrifice, dans le sens d’un don qu’on fait à la personne qu’on aime, de ne pas s’égarer sur les sentiers parallèles. Donc, on perd des plaisirs et on gagne peut-être en profondeur.
K : Avez-vous quelque chose à ajouter à cet entretien ?
Je trouve ces questions très pertinentes. Elles soulèvent les vrais questionnements de notre société. On se croit dans une société évoluée, dans le sens où on pense que la femme, aujourd’hui, est l’égale de l’homme.
Propos recueillis par Xavier Gostanian, mars 2005
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