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Un gardien, SVP ! - Vis ma ville - Qu'elle était verte ma colline - La revue du témoignage urbain

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La revue du témoignage urbain

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Qu'elle était verte ma colline

Un gardien, SVP !

Etat des lieux de l’association de défense des locataires Mourepiane

Représentante de l’association de défense des locataires "Mourepiane 1", Juliette Roux déplore que la Colline, endroit magnifique à la vue imprenable soit tant malmenée ! Elle dépeint un quartier délaissé par les services publiques, où les personnes âgées sont de plus en plus la cible d’agressions. Sa préconisation : une police plus présente et "un gardien assermenté pour mettre des procès."


Koinai - Pouvez-vous vous présenter ?

Juliette Roux - Je fais partie de l’association de défense des locataires, la CNL. Je suis Mourepiane 1, les maisons en pierre de la SNCF, parce que la présidente, Mme Napierkowski, c’est Mourepiane 2, SNCF aussi. C’est en tant que représentante des locataires de Mourepiane 1 que je suis ici. Ça fait quarante ans que je suis dans cette association.

K. - En ce qui concerne le quartier, comment pourriez-vous le caractériser ? Quelles sont les populations qui le composent ?

JR. - Il y a des familles seules, il y a des personnes âgées. il y a un mélange de populations. Il y a des chômeurs, il y a des gens qui travaillent, mais qui gagnent pas beaucoup. C’est les quartiers Nord, faut pas rêver. Des cadres supérieurs, il y en a très peu.

K. - Est-ce que ce sont des gens qui sont là depuis longtemps ou qui sont de passage ?

JR. - En ce moment, c’est plutôt des gens nouveaux, il y a beaucoup d’anciens, mais aussi des gens nouveaux, parce que la population âgée commence à disparaître.

K. - Les gens sont-ils fiers d’habiter ce quartier ?

JR. - Oui, ils sont contents d’habiter le quartier. On est bien. En ce moment on a des problèmes, il faut pas le nier, il y a des agressions, il y a beaucoup d’agressions.

K. - Plus qu’avant ?

JR. - Oui. Avant, c’était sur Saint-Louis, ils agressaient les personnes âgées, maintenant ils sont chez nous. La semaine dernière, ils ont agressé une personne âgée à l’arrêt de bus, ils lui ont volé le sac. Et hier, j’ai appris que ma voisine a été agressée en allant sortir sa voiture du garage. Ils l’ont frappée, ils lui ont pris le sac. Et une voisine de 89 ans a été agressée deux fois, elle était marquée de tous les côtés. Ils lui ont pris le sac. Ils sont toujours deux. Alors, comme il y a pas de flics, ça continuera. Ma fille, hier, m’a dit au téléphone : "Maman, fais attention quand tu sors maintenant." J’ai pas d’argent moi, mais j’ai pas envie de me faire agresser, c’est pour ça que je sors sans argent. J’ai juste un euro, pour le pain, alors je fais attention. Mais sinon c’est tranquille, c’est comme Saint-André, ça fait village. Tout le monde se connaît plus ou moins, il y a pas de gros problèmes. Mais ceux qui agressent sont pas du quartier.

K. - Vous parliez de la police. Est-ce qu’il y a une évolution des services publics en général, que ce soit la police, l’école, la Poste, etc ?

JR. - Il n’y a pas de police du tout sur le quartier. Avant il y avait, maintenant il y a rien. Et quand on porte plainte, on va à la mairie du secteur, ce qui est inadmissible. Ils vont fermer le commissariat du XVIe arrondissement. Alors, comment vous voulez qu’il y ait de la sécurité ?

K. - Il n’y a pas ou plus de commissariat en fait ?

JR. - C’est la mairie, puisque le commissariat est dans le XVe, c’est tellement loin que les gens n’y vont pas. Moi, je vous dit ce que m’ont dit des personnes agressées : "Ils tiennent pas compte, parce qu’il y a quatre-vingt agressions par jour dans les quartiers Nord". Mais c’est pas leur faute, il y a pas assez d’effectifs, et puis ils ferment le commissariat du XVIe. Quand j’ai appris ça, j’ai dit "ben alors, on est pas dans la mélasse maintenant, si ils ferment le XVIe !" Ah oui ! Parce que c’est de plus en plus, les agressions. Depuis qu’ils ont annoncé qu’ils rachetaient l’or, alors elles se font agresser, elles se font arracher leurs bagues ou leurs colliers. Et ça concerne pas que les personnes âgées ; ma voisine a vingt huit ans, elle s’est faite courser parce qu’il a vu qu’elle avait une chaîne en or, autour du cou. On lui a tout volé, même les boucles d’oreilles... Depuis, ça a triplé. Nous, ça commence, mais à La Viste et Saint-Louis, c’est le plus dangereux, parce que les personnes âgées descendent faire les commissions à Saint-Louis, à pied. Et comme elles descendent vers les dix heures, ils savent... C’est une pente en plus, et puis c’est pas difficile de pousser une personne âgée. Depuis, elle est avec la canne. Elle marchait bien avant, mais depuis qu’ils l’ont fait tomber, elle a la canne. Ça empêche pas les gens de sortir, parce qu’on peut pas rester enfermé. Mais quand même, la police devrait faire quelque chose. Si elle se montrait dans le quartier, comme avant, ça les calmerait. Ils tournaient avant. Nous, on avait donné l’autorisation qu’ils rentrent dans la cité, même les CRS rentraient. Maintenant, on a plus rien, il y a plus personne. Avant, avec toutes les associations de locataires, on avait des réunions avec la police tous les deux mois, pour la sécurité.

K. - Pensez-vous par conséquent, que le quartier soit plus isolé ?

JR. - Non, il est pas isolé parce qu’il y a beaucoup de gens, il y a beaucoup d’enfants, la population est différente... Il est un peu délaissé, mais pas isolé.

K. - Est-ce qu’il y a surtout des enfants en bas âge ou bien des adolescents ?

JR. - Il y a de tout. Avant on avait la halte-garderie en bas, au centre social, elle n’y est plus, non plus. Les jeunes ont été délaissés aussi, parce qu’avant ils étaient avec nous au centre social. Bon, il faut dire aussi que la plupart des gens qui faisaient partie des bureaux sont partis. Certaines personnes âgées de la résidence sont parties, parce que les enfants veulent pas les laisser seuls. Nous ça va, quand on passe, on nous embête pas, parce qu’on connaît les gens. Maintenant ça va, quand vous passez l’été, vous voyez les enfants jouer. il y a un parc là aussi, derrière, avec un petit jardin, les enfants viennent jouer là. On allait aussi au petit jardin des Sources. Moi, j’y allais avec mon petit fils comme là derrière, parce que dans la Colline, il y a plus d’arbres. Ça a tout brûlé. On allait ramasser les fleurs avec mon petit fils, quand il était petit. Il pleurait pour pas que je coupe les fleurs, il voulait pas. Parce qu’il y a des belles fleurs là-bas. Surtout la vue qu’on a au Belvédère, c’est vraiment magnifique. C’est dommage que ce soit abandonné. À l’époque, c’était arrosé, c’était entretenu, et puis ils avaient pas encore commencé à mettre le feu. En fait, c’est des minots de douze à quatorze ans. Nous, on les a vu jeter le chiffon avec de l’essence, pour s’amuser. Là où il y a la voie ferrée, ça prend vite. C’est tout sec en été. Heureusement qu’il y a pas de trains qui passent là. On les a vu mettre le feu, une fois, c’était l’après-midi. Moi, j’ai mes fenêtres qui donnent sur la voie ferrée, sur les Sources.

K. - Quelles sont les activités culturelles ou associatives existantes, que ce soit pour les enfants ou pour les adolescents ?

JR. - Le centre social était ici, avant. On est resté quand même presque dix ans, nous. Avant, on faisait des camps d’ados, et ils partaient à l’étranger et tout. Et on faisait des sorties familles, pour cinq francs à l’époque, on allait aux Saintes-Maries-de-la-Mer toute la journée. Je sais pas si ça se fait encore, mais c’est des choses qu’il faudrait refaire. On faisait l’arbre de Noël à la caserne, au centre culturel, des repas familles. Une fois un repas français, une fois un repas tunisien, une fois un repas algérien. Il y avait du monde. Il y avait une population mélangée. Et on essayait d’amener les autres. On faisait des lotos le samedi après-midi. En fait, c’était l’occasion que les associations et les habitants se rencontrent. Il y avait plusieurs associations. Il y avait l’association des danses kabyles, il y avait les associations de locataires, le CIQ, un peu de tout. Il y avait les personnes âgées du troisième club, quand il y avait le loto, ils venaient. Il y avait des enfants, il y avait des mamans, qui venaient avec des enfants et tout. C’était un mélange, après.

K. - Parlez-nous un peu de la Colline. Est-elle très fréquentée par les habitants du quartier ?

JR. - Non, pas forcément les habitants. Il y a des gens qui habitent à côté du lycée Nord, qui viennent se promener. Il y a une route, on voit des gens, surtout l’été, le printemps, avec des poussettes, avec les enfants. Un peu moins maintenant, puisque ça a tellement brûlé qu’il n’y a presque plus d’ombre, ils ont cassé les bancs, alors il y a moins de promeneurs qu’avant. Mais sinon, il y a toujours des gens. Autrement, au début, quand ça a été fait, c’était beaucoup plus fréquenté. J’y allais avec mon petit-fils, il avait deux ans. Il y avait les jeux pour les enfants. Il y avait plein de mamans avec les enfants. Les personnes âgés, les jeunes. Jusqu’à ces dernières années, c’était vraiment bien. Le problème, c’est que maintenant, on peut plus s’asseoir. Ils ont cassé les tables qu’il y avait. Ils ont tout cassé, ils ont tout brûlé...

K. - En quelques mots, comment pourriez-vous décrire cette Colline ?

JR. - C’est un endroit magnifique, avec de grandes possibilités. Le belvédère devrait être un peu mieux aménagé, surtout pour monter, que ce soit un peu plus accessible. Plus protégé, aussi, pour les enfants, parce que il y a des enfants qui sont des casse-cous, c’est vrai que ça descend... Il y a les grottes aussi. J’espère qu’ils les ont fermées, je suis pas allé voir du côté des grottes. Fermez les grottes ! Je vous en parle des grottes, parce que mes fils y allaient déjà jouer, quand ils étaient petits. J’avais toujours peur, et on avait beau les crier, les punir, il y avait rien à faire, tous les minots du quartier allaient aux grottes. Il faudrait aussi bien aménager les chemins, parce que des fois, il y a des enfants qui passent en vélo et qui descendent comme des fous. Mettre une espèce de barrière, quand ils descendent en vélo, pour pas qu’ils tombent. Ils se tuent là. Je vous parle du chemin qui va jusqu’où c’est cimenté. Vous les voyez des fois, descendre à vélo, comme des fous. Mais surtout un gardien, pour plus qu’il y ait des motos.

K. - Il y a des motos ?

JR. - Les mobylettes, il y en a, oui. Et un gardien, parce qu’avec les vélos, c’est eux qui ont abîmé, des jeunes entre quinze et vingt ans, avec les vélos, ils montent sur les côtés, là où il y avait les plantes, là où il y avait les arbres, et ils abîment tout. C’est pas fait pour eux, parce que si vous vous promenez avec les petits, si il y a personne, vous pouvez leur dire ce que vous voulez, ils vous répondent. Faut pas rêver, c’est pas fait pour eux, c’est fait pour qu’ils se promènent, parce qu’avant, il y avait même les étudiants qui descendaient, ceux du lycée Nord. Ils mangeaient là où il y avait les bancs. Maintenant, il y a plus personne qui descend. Ils se mettent en-haut, sur les marches. Quand vous descendez sur les marches, c’est pourri, parce que, eux aussi, il faudrait leur apprendre, qu’il y a des poubelles à côté, que ça se jette dans les poubelles.

K. - Y a-t-il des gens qui y jettent des poubelles ?

JR. - Non, non. Les poubelles, ils y touchent pas, mais il y a la poubelle à côté, et ils jettent les papiers, ils jettent leurs ordures, par terre. Quand vous passez dans les escaliers, c’est sale. Là aussi, il faudrait un point d’eau. Si un enfant tombe, il se fait mal ou s’ il a soif ou quoi, il y a de l’eau... Les bancs, comme il y avait avant, et remettre les jeux. Mais si vous avez pas de gardien, ça sert à rien de rénover la Colline. Absolument à rien. Ils vont recommencer à tout abîmer. Parce qu’en plus, il y avait avant des blettes sauvages ; mon voisin les ramassait, en-haut, au belvédère, et il ramassait aussi certaines herbes qu’il connaissait. Il y avait des personnes âgées qui venaient se promener et tout, ça il faudrait que ça revienne. Parce que les personnes âgées, si il y a un point d’eau, elles marchent un peu, si il y a des bancs, elles peuvent se reposer. Parce que c’est vraiment superbe. Que ça redevienne un lieu, comme c’était au début. Un lieu où tout le monde se rencontre, où il y a toutes les personnes.

K. - En fait le plus important d’après vous, c’est que ce soit sécurisé ?

JR. - Sécurisé et un gardien. Un gardien assermenté, pour mettre des procès. Parce que peut-être, si on touche à leur porte-monnaie, les parents veilleront un peu à leurs enfants. Parce que, ne me dites pas qu’à quinze ou dix-huit ans, on sait pas ce qu’on fait. Puis quand on met le feu, on sait ce qu’on fait. Par exemple, il y avait des pommiers sauvages, et maintenant il y a plus rien. Il reste que les figuiers. Tout le long de la route, au dessus du centre social, c’est des figuiers. Eh ben, j’ai vu des personnes âgées ramasser les figues. Avant, il y avait des mûres aussi, avec ma fille on allait chercher des mûres. Tout a brûlé. Il y a plus rien...

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