Migrant algérien
Mohamed B. vit à l’hôtel Amira, rue des Petites Maries, depuis plus de quatre ans. Venu d’Algérie à l’âge de dix-sept ans, il se souvient des patrons pour lesquels il a travaillé. Aujourd’hui âgé de soixante-dix ans, il est contraint de résider en France s’il veut toucher le minimum vieillesse. Il se bat pour sauvegarder l’intégralité de sa pension. Toucher la retraite.
Koinai : Depuis combien d’années vivez-vous à Marseille ?
Depuis 62 : je suis à la Ciotat pour le travail, je travaille à chantier naval. Mais je reviens ici à Marseille.
K : Dans quelles autres villes avez-vous travaillé ?
Depuis 53 jusqu’à 60, je suis à Nice, et après je reviens de Nice à la Ciotat. Et depuis 62 je travaille à la Ciotat jusqu’à 86.
K : De quelle origine êtes-vous ?
D’Alger. Jazairi. Algérien.
K : Pourquoi êtes-vous venu en France ?
He beh j’ai venu ici, je travaille pour les enfants. J’ai venu dans le bateau. Je suis seul, toujours je suis seul. Je suis jeune, dix-sept ans.
K : Connaissiez-vous des gens en France ?
Beh ici à la Ciotat je connais beaucoup de monde mais... Je te parle pour la mairie de Ceyreste, c’est tout, je le connais tout des Français qui sont là à Ceyreste.
K : Où étiez-vous logé ?
Eh ben j’ai pris un logement, à la Ciotat, à Ceyreste, j’habitais depuis 67 jusqu’à 86. À Nice, j’habitais à Californie, un appartement qu’il a démoli les Allemands, dans la maison on habite là-bas, 53 jusqu’à 60.
K : Travailliez-vous en Algérie ?
Non, chez moi j’ai pas travaillé.
K : Et en France qu’avez-vous fait comme travail ?
J’ai travaillé dans le bâtiment, je travaille de partout. Où c’est que je trouve le travail je travaille. Je demande le patron, il m’a embauché, eh beh, je travaille.
K : Vous rappelez-vous les entreprises pour lesquelles vous avez travaillé ?
Eh non, je me rappelle plus, mais la première fois je travaille chez le patron il s’appelle Gonard. Et après, grands travaux de Marseille, c’est de grands chantiers, et après... je l’oubliais le nom de lui.
K : Vous avez travaillé dans les chantiers navals à la Ciotat ?
À la Ciotat oui, dans le chantier naval, mais c’est dans l’entreprise. La première fois je travaille à chez monsieur Api, c’est un patron, et après je travaille chez Agnelli, et après je travaille chez Gardiella. Gardiella, il habite ici à Marseille. Jusqu’à 71, je quittais le chantier naval, je travaille à Ceyreste, à chez Mattao, jusqu’à 86. J’habite à Ceyreste, dans un appartement.
K : Depuis quand êtes-vous à la retraite ?
Je suis depuis 86, le patron il a arrêté le travail, il a donné le papier au chômage. J’ai rentré au chômage, jusqu’à la retraite y’a six ans.
K : Pourquoi avoir choisi l’hôtel ?
Parce que j’ai choisi l’hôtel, j’ai pas trouvé d’appartement ici. Si je trouvais l’appartement, c’est mieux que je prends un appartement. Dans l’hôtel, parce que je l’ai mis comme ça, les papiers je me perde pas si il revient la lettre, il revient quelque chose, je me perds pas les papiers.
K : Comment avez-vous trouvé cet hôtel ?
Eh, comment eh beh j’ai venu ici, je l’ai trouvé un hôtel, j’habitais une semaine, et après c’est des clients je restais avec lui.
K : Ce n’est pas trop cher ?
Mais qu’est-ce-qu’y a, il est à 300 par mois. Si je trouvais la maison, même maintenant si je trouvais parce que je voulais pas qu’ils me donnent la carte des impôts. Même ils m’envoyaient, ils voulaient qu’il me lève 200, 200 il m’a levé. Il m’envoyé les papiers, il m’a levé 200. Si je trouve l’appartement, je perds pas 200.
K : Avez-vous les allocations de logement ?
Ils me l’ont supprimé. Voilà. Même la retraite je suis cent cinquante trimestres, il m’a donné la retraite faible. La retraite, il est mince. Et encore maintenant ils m’ont levé 200, 200 000 par mois, je suis pas d’accord. Voilà.
K : Êtes-vous aidé par les services sociaux ?
Beh hier j’étais à l’assistante sociale, j’ai fait la réclamation, pourquoi ils ont levé deux cent. Je l’ai dit et je demande : Expliquez-moi pourquoi on m’a levé 200 000. Il m’a écrit la lettre, je l’ai envoyée.
K : Pour la feuille des impôts, que vous a-t-on dit ?
Les impôts, on est venu cinquante fois, ils voulaient pas qu’ils me le donnent. Voilà, même si il dit je paye les impôts, si j’en ai le droit que je paye les impôts, je dois payer les impôts. Si j’ai le droit que je paye les impôts mais donne-moi la carte. Voilà il voulait pas, il m’a demandé, il m’a dit : Va chercher douze reçus de loyer. Eh beh le patron il voulait pas qu’il me donne le reçu tous les mois. Tu comprends ? C’est pour ça que...
K : Connaissez-vous les autres occupants de l’hôtel ?
Celui-là qu’y a... Ouais, je les connais. Je les connais comme ça, c’est un type, tranquille, eh ben moi, depuis que j’ai rentré ici en France, j’embête personne, je suis toujours tout droit comme ça. Voilà.
K : Comment occupez-vous vos journées ?
La journée je promène toute la journée. Un peu je regarde la télé, un peu. Je regarde le match que... Voilà, je passe le temps, c’est tout.
K : Jouez-vous aux dominos ?
Non non non non non non non non non. Si je veux perdre, je joue le tiercé. Je perde toujours. Je parle la vérité, moi.
K : Avez-vous une famille en Algérie ?
Oui, oui, j’ai des enfants, y’a de femme. Même mon fils il habite ici avec son z’enfants. C’est pas ici à Marseille. Il était à Bourges.
K : Retournez-vous en Algérie ?
Heu, j’suis allé. Toutes façons je vais voir la famille, je reviens, mais... toujours comme ça. Depuis que je l’a pris la retraite, je suis toujours comme ça. Chaque fois je reste deux mois, chaque fois je reste une mois et demi, et c’est tout. Et après je reviens ici.
K : Comptez-vous rester à l’hôtel ?
Oui oui oui oui, toujours toujours ici. Voilà. J’ai cherché l’appartement, j’ai pas trouvé. Voilà. C’est comme ça.
Propos recueillis le 22/03/06 par Odile Fourmillier ; rewritting : Patricia Rouillard.
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