Michel Cousin est rempailleur. Il lui reste quatre années avant la retraite, il quittera alors l’atelier-boutique qu’il occupe à Marseille : “Vingt-deux ans que LA PAILLE D’OR est ouverte et vingt-deux ans que ça marche !”
Ils ne sont plus que trois ou quatre dans la région à exercer cette profession qui ne nécessite ni CAP d’ ouvrier spécialisé, ni autre qualification, mais du métier. Un savoir qui se transmet par la pratique. Michel Cousin, lui, le tient de son père ; passation naturelle propre à ce type d’activité qui nécessite une agilité manuelle et un regard qui s’aiguise avec l’expérience.
Notre artisan exerce au 16 Boulevard Tellène, dans le VIIe arrondissement : “A l’époque, j’ai vu qu’il y avait affaires à faire dans ce domaine, et je n’ai pas rechigné à m’établir à mon propre compte.” Les premières années, il a pu bénéficier d’aides de l’Etat. Ses parents aussi, l’ont soutenu financièrement, sans compter la manne providentielle d’une allocation chômage.
Depuis plus de deux décennies, Michel Cousin reproduit les mêmes gestes : “C’est répétitif et pas trop rémunérateur. Je fais trop d’heures ! Je ne les aurais pas faites pour un patron.” Ce n’est pas non plus l’usine : le cadre de travail est joli et Michel est son propre chef. En tant que tel, il assure aussi la promotion de sa petite entreprise. Il démarche ainsi la clientèle par le biais d’annonces dans les journaux, les pages jaunes du bottin téléphonique, les salons de printemps au Parc Chanot, la Foire Internationale de Marseille : “C’est surtout le bouche à oreille entre artisans qui fonctionne : tapissiers en meuble, ébénistes des établissements réputés comme Corvasce, Carlotti, Scoppo- Musso, on se renvoie la balle”.
Michel Cousin attend la relève, une jeunesse prête à retrousser ses manches pour apprendre le geste. Mais ce n’est pas facile car les contraintes de reprise sont assez lourdes : “Il y a trop de charges. Si je dois donner le magasin et non pas le vendre, soixante pour cent du chiffre d’affaire ira aux Impôts. En faisant une donation directe à un membre de la famille, ce serait quarante pour cent. Je déclare vingt-six mille six cents euros par an soit près de douze mille euros qui partiront dans les caisses de l’État ! Alors je ne céderai pas mon commerce à un inconnu !“
Hormis un passage obligé par Pau, pour raison militaire, cet enfant du pays, né aux Catalans n’a jamais vraiment quitté longtemps la cité phocéenne du regard. Bien sûr, lui aussi prend des vacances, mais c’est pour mieux revenir chez lui et retrouver les gestes ancestraux que ses aïeux lui ont transmis. Le voilà donc attelé à sa tâche, les deux pieds campés sur la terre ferme et le derrière posé sur sa chaise, dans la plus pure position du rempailleur.
Propos recueillis le 26/04/06 par Nathalie Tucillo ; rédaction : Patricia Rouillard.
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