C’est la plus vieille boutique de mangas et de jeux vidéos de Marseille. On la trouve rue Estelle... Peu de temps après le festival Geek & Music à la Friche, on avait envie de cueillir les mots du gérant, Van, sur un sujet qui intéresse de plus en plus de gens. Qui n’a jamais entendu parler de Dragon Ball ou de Naruto ? Qui n’a jamais eu de console de jeux vidéos ? Geeks, otakus ou total noobz, jetez donc un œil aux contes d’Ayato...
K : Bonjour, est-ce que vous pouvez vous présenter, quelle est votre activité ?
Mon nom, c’est Van. Mon âge, c’est 40 ans. J’ai un magasin de jeux vidéos et produits dérivés de jeux vidéos et mangas.
K - On dit que vous êtes le plus vieux magasin de vidéos et de mangas de Marseille... C’est vrai ?
Normalement, oui. Ça fait un peu plus de 15 ans déjà. Peut-être même 17.
K : Comment vous est venue l’idée d’ouvrir ce magasin ?
Ben, il faut déjà être fan de... Je suis fan de Dragon Ball. J’aime bien le dessin animé, j’ai ouvert avec la passion du Dragon Ball. C’est un des mangas les plus vieux, quand même !
K : C’est un truc d’enfance, j’imagine ?
C’est même sur le logo de la carte du magasin. Ce dessin animé, c’est les Chinois qui ont dessiné... En fait c’est la légende du roi des singes [1]. (Le singe, c’est l’animal le plus malin sur la planète.) Celui-là je l’ai lu quand j’étais petit, j’avais dix ans. Et je l’ai vu en film, franchement, c’est magnifique. Ça c’est un dessin animé. En film, c’est encore mieux ! Il trace tout l’histoire de Bouddha, en fait.
K : Mais comment vous en êtes venu à ouvrir le magasin à partir de cette passion-là ?
En fait j’ai fait une formation en électricité, et j’ai un collègue qui connaît bien le magasin qui s’appelle Arts Loisirs. Et il m’a dit "bon ben Chinois-Chinois, je sais comment il faut faire pour avoir le fournisseur, nanani, si tu veux tu peux faire associé avec moi..." Le seul problème c’est que ça s’est mal passé avec lui... On n’a pas fait associés, il m’a volé mes affaires... et ma mère elle a dit "bon ben arrête, si tu veux tu fais tout seul".
Alors j’ai demandé à mon frère. On s’est disputés et tout : le seul problème des Asiatiques, on parle pas bien le français. Et on fait tout le temps la même chose, restaurants chinois et tout... Et nous on veut pas le faire, on veut faire des trucs modernes quand même. A la fin il m’a dit "tous les mercredis après-midi je viens t’aider, les week-ends, les vacances et tout", et voilà, on a ouvert. Sans connaître les fournisseurs et tout... On a ouvert à l’aveuglette et avec le temps, on a trouvé et voilà. Et on a fait même des trucs, des bonbons, des E.T., des glaces... De tout, même des cigarettes ! On a ouvert même dimanche. Les dimanches on a fait mini-concours... Voilà. C’est pour ça que ça continue jusqu’à là pour l’instant.
K : Il y avait d’autres boutiques de mangas et de jeux vidéos à l’époque ?
Au début, quand j’ai ouvert, je crois qu’y avait que Calculs Actuels (rue Paradis) et Arts Loisirs (Boulevard Salvator).
K : Donc pas trop de concurrents, quoi.
Non, c’est un peu différent, en fait.
K : Pourquoi, c’est quoi leur spécialité ?
Leur spécialité, c’était vendre des cartes de Dragon Ball, des jeux vidéos import ; nous aussi on fait jeux vidéos import, mangas, mais on fait pas de mangas papier. On a fait un petit peu au début, mais après ça nous intéresse pas parce qu’il y a une marge de 50 centimes sur le manga papier, et il faut en acheter plein plein plein, c’est une perte de temps, quoi. J’aimerais bien vendre des mangas papier, mais on achète beaucoup et on gagne que 50 centimes sur la marge. Je vois pas l’utilité.
K : Donc c’est plutôt DVD, jeux vidéos...? Vous vendez d’autres choses ?
Voilà. DVD, jeux vidéos... Mais maintenant ça a changé. Avant y avait que DVD et jeux vidéos. Maintenant, il y a des figurines... Tout ce que les gens ils veulent, c’est tout ce qui est ancien temps, les années 80 quoi : Les Saint Seiya, les X-Or, les Goldorak... Tout ce qui est ancien temps, ils aiment bien.
Voilà, et surtout des pièces de collection. Maintenant c’est bien, quand les gens ont les sous, ils achètent, ils le mettent de côté et dans cinq ou dix ans ça fait triple valeur et tout ! Voilà, ça prend la valeur. Moi si j’avais les sous, je fais pareil parce que bon, y a des trucs que j’aime bien aussi, avoir les anciennes pièces... ça fait rappeler l’ancien temps qu’on avait. Quand on regarde un dessin animé on voit de jolies pièces, de belles figurines. Maintenant, c’est hyper bien fait par rapport à avant... Ils sont très très très minutieux. Très techniques. Parce que les moules sont pas pareils qu’avant ! Voilà, surtout les vraies ! Je parle pas des fausses figurines. Les fausses figurines, les plastiques ils sont... Avec le soleil, ils fondent !
K : Vous en collectionnez ?
Non, je fais pas. J’aimerais bien, mais on peut pas tout faire, en fait. On peut pas avoir la trésorerie pour payer les factures, trésorerie pour acheter les produits pour les clients... on peut pas tout faire, dans la vie. Si je pourrais tout faire, ben je le ferais.
K : Vous avez des trucs un peu rares ?
Y en a, mais à chaque fois qu’on en a ben c’est parti ! On vend !
K : Vous avez eu quoi, par exemple ?
Ben là par exemple, qu’est ce qu’on a ... On a Chopper en grande taille réelle, la dernière fois on avait le Cobra en taille réelle, on avait Tajir en taille réelle... Pas taille réelle, mais je veux dire en taille 30 centimètres mais avec tout le complet. Il y a Goldorak tout le complet, le petit vaisseau et tout.
Qu’est-ce qu’on a encore... Il y a beaucoup de trucs rares. Comme par exemple Princesse Mononoké avec le chien. Le seul problème, dès qu’on l’a les gens y l’achètent. Maintenant il vaut 350 euros, par exemple !
Par exemple Zorro, la pièce Zorro de One Piece, le prix qu’on vend c’est 79 euros, maintenant il est tellement rare qu’il fait 300 et quelques... Il y a une autre figurine de One Piece aussi à l’époque, qui fait 100 euros. Maintenant, il fait 400 euros. Voilà, il y a des trucs, ça prend de valeur de plus en plus.
K : Vous connaissez des gens qui collectionnent ?
Ouais, j’en connais beaucoup. Je connais même le plus grand de la France. C’est mon propre fournisseur de mangas. Il a peut-être deux fois le magasin, tout rempli de jeux vidéos et figurines. Les jeux, sans enlever l’emballage. Et tous les consoles confondues ! Il a tous, sans exception. Et le monsieur il a collectionné je crois en même temps que j’ai ouvert le magasin, ça fait peut-être vingt ans ou quinze ans qu’il la fait, la collection. Voilà. Mais franchement, s’il vend tout ce qu’il a, là, je crois qu’il doit avoir au moins 200 000, minimum, en euros, hein. Voilà. Non, mais très énorme. Très ! Tellement que... Non mais je le sais parce qu’il m’a montré. Chaque fois qu’il a une nouvelle pièce, il fait un truc sur Youtube. Franchement il rentre chez lui... On n’a que la place pour marcher. Tout ça c’est rempli de trucs.
K : Et vous connaissez beaucoup de gens qui partagent votre passion ?
Ben déjà, la famille, mon neveu, mon fils, mes cousins... Tout le monde joue, ils regardent aussi les mangas, surtout Ghibli. Ils aiment beaucoup Ghibli, car on est quand même sentimentaux, comme on dit.
K : Quel type de mangas vous aimez ?
Dragon Ball, Cobra, Goldorak, Hajime No Ippo... voilà, y en a beaucoup. Le numéro un de tous les mangas que j’aime, je trouve c’est Cobra. Parce que quand même c’est un personnage... il est hyper fort, il a un grand cœur, il est beau, il a tout ce qu’il faut et ce qui est bien, c’est qu’il reste lui-même. Il se la pète pas. Il veut toujours découvrir un truc, encore, une surprise de la vie. C’est le meilleur dessin animé, pour moi.
Et je trouve, le dessin animé qui parle beaucoup de l’amitié, de la vie et tout, c’est Ghibli. Studio Ghibli. Vous avez Princesse Mononoke, Porco Rosso, Totoro, Ponyo, tous les films de Miyazaki... Le Tombeau des Lucioles, et tout et tout. Ça au moins on est dans la vie réelle, que les gens maintenant dans 2010, ils connaît plus qu’est-ce ça veut dire la vie et... ils connaît que la guerre, l’égoïsme. Ils ont plus la solidarité comme avant. Voilà, je suis triste pour ça, franchement, peut-être parce que j’ai grandi dans une culture différent, je crois. Pourtant je suis venu ici j’avais dix ans... Mais j’ai toujours la tête des gens de mon pays. Bizarre, hein ? On est quatre dans la famille, mais je suis le seul qui trouve... Même mon père et ma mère ils me comprend pas. Ils disent « comment ça se fait que tu écoutes de la musique asiatique, tu écoutes tout ! », que les autres, ils s’en fout et tout. Alors, moi je dis c’est normal, ils sont devenus européens. Mais moi, je suis pas encore... pas totalement encore.
K : Et en jeux vidéos ?
Heu... Gran Turismo, et Resident Evil.
K : Il y a une console que vous préférez pour jouer ?
Personnellement, je ne joue pas beaucoup parce que j’ai pas le temps. Voilà. Même quand j’étais en célibataire, on travaillait du lundi au dimanche : quand on rentre à la maison on n’a pas envie. On a envie de s’échapper avec les copains et les copines pour un peu décompresser. Maintenant qu’on a des enfants, on n’a qu’un dimanche. Trois enfants pour s’occuper, c’est un peu dur. En plus on veut passer un peu cinq minutes avec lui, cinq minutes avec lui, cinq minutes avec lui...
K : Vous n’avez pas eu trop de difficultés à démarrer ?
Humm. Non. A l’époque des francs c’était super, hein. On avait la facilité d’avoir des sous de côté, par rapport à l’euro. L’euro ça... Franchement ! 20 euros, ça fait 130 francs, ça fait... on dirait qu’on n’a rien !
K : Ça se ressent beaucoup sur le budget du magasin ?
Oh, ça ressent beaucoup beaucoup. Le seul problème c’est que pour avoir beaucoup de clients, il faut avoir beaucoup de trésorerie. Parce que si on fait des trucs classiques comme Micromania, la FNAC etc, on s’en sortira jamais. Jamais, parce qu’à l’époque il y avait... allez, à tout casser sur Marseille, cinq magasins. Maintenant, Virgin, la FNAC, tout les grandes surfaces vendent les jeux vidéos, internet... Alors en fait les parts de gâteau à l’époque il n’y en avait que... divisées par cinq, maintenant divisées par, je sais pas, moi... par cent ou par mille !
K : Ça a eu un gros impact aussi, Internet ?
Ça a ressenti, internet, mais heureusement on s’est diversifiés. On a changé un peu, on a vendu des figurines. Parce que moi bon ce qui est bien, c’est que je prends avec l’état. Je répare les consoles : je répare les Play 3, Play 2, Play 1, Game Cube, Wii, PSP, DS... voilà. Comme on dit, je suis un peu bricoleur de dimanche.
K : Donc au début vous avez ouvert avec votre frère... Maintenant c’est lui qui gère la boutique internet, c’est ça ?
C’est lui qui fait NeoAyato. En fait il a ouvert beaucoup de magasins, et ça a pas marché. Il a vendu son enseigne et ça a pas marché parce que les gens ils sont pas comme nous. Ils comprennent pas. Ouvrir un magasin, c’est pas tout le monde qui peut. Ouvrir un site internet, c’est pas tout le monde qui peut. Les gens ils croient que dès qu’on a ouvert un magasin par exemple pour 10 000 euros, le lendemain on a un salaire de 2000 euros direct... Non. Il faut attendre minimum trois ans pour toucher un bon salaire. C’est pour ça ce qui est bien et ce qui est pas bien, c’est travailler pour soi-même. On fait plus d’heures et on n’a pas de patron derrière, mais il y a plus de soucis. C’est mieux de travailler avec un patron : on sait que même si on a un problème, à la fin du mois on a un salaire. Mais ce qui est bien quand on est son propre patron, c’est qu’à la fin de notre vie, c’est une fierté parce qu’on a réussi tout seul, aussi.
Après, chacun son choix...
K : Maintenant vous êtes tout seul pour gérer cette boutique-là ?
Non, j’ai un vendeur mais là ces temps-ci il pleut et comme il habite Gardanne, il vient en moto et c’est chiant pour lui et tout... voilà.
K : Vous collaborez avec votre frère ?
Des fois j’achète des produits avec lui, des fois il achète des produits avec moi. On s’envoie des clients.
K - Combien y a t-il d’écart entre vous ?
Quatre ans.
K : Vous étiez proches, quand vous étiez enfants ?
Pas “proches”, parce qu’on est différents. Moi je suis plutôt famille. Quand je vois ma mère elle est pas bien, je suis toujours là, à côté... Lui, il est... Tout le temps, il passe encore sa vie... Atari, Amiga, Super Nintendo... Il joue jusqu’à 7h du matin. Il a pas d’horaire. Mais il va à l’école à Lycée Thiers, il est très très bon en classe, mais il fait rien pour. A la fin, sa réussite, elle est pas venue par lui-même. C’est grâce à boutique Ayato...!
K : Vous jouiez ensemble ?
Oui, on jouait, à la Super Nintendo. Street Fighter.
K - Les mangas sont très populaires depuis quelques temps, sauriez-vous nous dire quand c’est vraiment devenu populaire en France / en Europe et pourquoi ?
Je crois que c’est depuis Dorothée. C’est grâce à elle que c’est devenu populaire. S’il n’y avait pas le "Club Dorothée", on serait toujours là à ne pas aimer les mangas. Mais c’est dommage, elle est revenue trop tard... Quinze ans après, c’est nul. Il fallait revenir avant.
K : Donc, c’est depuis quoi, 1990 à peu près, que ça commencé a se populariser ? Vous trouvez qu’il y avait de bons dessins animés à l’époque ?
Oui, surtout des dessins animés, peut-être c’est un peu mal dessiné par rapport à maintenant parce que la technologie par rapport à maintenant, ils ont l’ordinateur et tout, mais l’histoire elle est bien. Il y a l’histoire, il y a le dessin... il y a des détails. Je trouve que le dessin animé qui a pas vieilli du tout du tout, c’est Cobra. Cobra et Albator... Et les Chevaliers du Zodiaque, et Dragon Ball. Bon, c’est le même visage, il y a que l’armure qui a changé, et les couleurs.
K : Qu’est-ce que vous vendez le plus comme mangas ?
Moi je peux dire, en temps de francs, il y a un coffret qu’on vend beaucoup en mangas par exemple : Cobra, on vend bien bien bien... tous les coffrets de Dragon Ball, on vend beaucoup même jusqu’à maintenant (ça fait quand même vingt ans hein !) Même maintenant, les figurines de Dragon Ball, on en vend beaucoup. C’est eux qui nous vendent le plus. Après, qu’est-ce qu’on vend ? Il y en a beaucoup, mais le plus c’est Cobra. Surtout qu’il sort une cassette par truc. Et on vend plein. Au moins peut-être cinquante cassettes par épisode. On a de la concurrence, mais voilà : ils préfèrent venir acheter chez nous.
K : Et les mangas montants, genre Naruto, One Piece...?
Ben déjà, Naruto... La nouvelle génération maintenant, je trouve que le produit dérivé et tout, c’est Naruto (qui se vend le mieux, NDLR) et le produit de luxe, c’est One Piece et Chevaliers du Zodiaque. Chevaliers du Zodiaque ça fait au moins quinze ans, vingt ans que les figurines ça se vend super bien. Voilà et en plus vu que ça marche super bien, ils veulent rénover, c’est-à-dire refaire les mêmes figurines mais avec un truc qui s’appelle... comme un truc Mercédès, AMG. Mais eux c’est Tamashi. C’est une option de plus.
K : Et en jeux vidéos ?
Ben, en temps de francs, il y avait Dragon Ball, Resident Evil, Tomb Raider, Adidas Power Soccer, Formula One le premier, voilà. Surtout les Resident, ça se vend hyper bien.
Maintenant, je crois le jeu le plus vendu de la planète, à l’époque quand PS ils ont pas fait des conneries, c’était Pro Evolution Soccer et après, avec les nouvelles générations qui arrivent, il y avait les jeux de fous, excusez-moi l’expression, c’est GTA (Grand Theft Auto) : apprendre comment voler, violer, payer une pute... GTA ! Après on se demande pourquoi les jeunes maintenant ils deviennent fous...! On peut tout faire dans ce jeu, et en plus il y a une nouvelle option encore, on peut faire plein de choses...
Après, le jeu de guerre le plus vendu, vous avez Modern Warfare.
On est devenus américains... On apprend comment faire la guerre et tuer les gens. Je trouve que le monde… Où on va ?
K : Vous pensez que les jeux vidéo ont une influence sur les jeunes ?
J’ai pas dit le contraire, que les jeux vidéos ça... C’est bien de jouer, ça rend un peu intelligent, mais y a des jeux pour les enfants, ça se fait pas. C’est pas parce que je vends que je suis pour. Jouer, ça va, mais faut pas trop abuser. Y en a qui travaillent pas du tout, pour jouer. Ils touchent le RMI et ils jouent tout la journée ; même ils ont perdu leur conscience d’aller travailler tellement ils jouent. Même à la radio l’autre jour j’ai entendu que le mec il veut faire le record à battre, plus de 24h... Parce que normalement 24h ça veut dire le maximum de la journée, mais lui il veut faire 27h... Ça veut dire, il prend une bouteille plastique, il met à côté de lui, il mange à côté, il va faire 27h de jeu de Modern Warfare... Franchement c’est un record de merde.
K : Justement on parle beaucoup de l’influence des jeux vidéos sur les jeunes, c’est intéressant d’avoir votre avis.
Non, moi je trouve que jouer c’est bien, mais faut pas trop abuser. Parce que bon, dans la vie il n’y a pas que jouer. Y en a qui plongent dedans et après pour eux il croient que la vie, c’est dedans en fait. Bon, c’est bien d’un côté parce que jouer, ça fait échapper de tout ce qu’on est pas bien dans la vie. On s’évacue un peu. Bon, c’est peut-être parce que nous on habite dans une grande ville que c’est un peu... peut-être dans un petit village c’est pas pareil. Mais quand même, tout ce qu’on a vu à la télé c’est vraiment... ça a changé, quoi. Il y a trop de délinquance.
K : Votre clientèle, elle a changé au long des années ?
Ça a changé beaucoup. C’est plus un gosse de 10 ans, 8 ans ou 7 ans qui vient acheter. La plupart ils travaillent, ils touchent RMI, ils vient acheter, voilà. Y en a beaucoup des papas qui vient, y en a beaucoup des célibataires qui vient, c’est plus comme avant. Avant c’est que des jeunes de 8 ans, 5 ans, 13 ans qui au dernier moment achètent des jeux vidéos.
K : Et ils dépensent toujours autant qu’il y a dix ans, ou plus, ou moins...?
De toute façon ils dépensent plus, mais on sent moins, parce qu’avec l’euro...
K : Comment ça se fait que vous n’ayiez pas participé à la Japan Expo au Parc Chanot, ni à la "Geek & Music" au Cabaret Aléatoire ?
J’aime pas voir du monde, déjà un. Et deux, je pense qu’a 40 ans je suis encore timide... J’aime pas qu’on me voie.
K : Mais ça vous aurait fait un peu de pub, non ? Vous en avez pas besoin ?
Oui... Non mais aussi il y a un temps, pour déménager les produits il faut les gens, les copains... Mais y a beaucoup des copains qui m’a proposé de faire gratuitement parce qu’ils aiment bien ça et tout... Même des clients, mais moi je veux pas. Je crois peut-être avec le temps j’ai plus envie. J’ai envie tranquillité, je veux pas qu’on m’embête, c’est tout.
K : Vous pensez garder le magasin encore longtemps ?
Heu, je sais pas. On verra avec le temps. C’est ce qu’on a parlé tout à l’heure avec mon client : dans le quartier c’est moi le plus vieux pour l’instant.
K : C’est quoi les difficultés de votre métier ?
Supporter les fous ! La plupart des clients de jeux vidéos, hé ben ils sont pas tranquilles dans la tête... Comme a dit mon pote, ils ont une maladie... de Peter Pan [2]. Ils sont toujours petits dans leurs têtes. (Van se rapproche du micro) J’ai pas de maladie de Peter Pan !
K : Vous avez des origines vietnamiennes. Au Vietnam, la culture manga et jeux vidéos, ça marche ?
Non. Y en a pas.
K : Il n’y a pas du tout de mangas vietnamiens ?
Normalement non, y en a pas.
K : C’est financier ou c’est vraiment culturel ?
C’est la culture je crois. Parce que là-bas au Vietnam ils font plus d’études... Ils pensent plus au boulot, au futur... Les Vietnamiens, ils sont trop sérieux dans la vie.
K : Pourtant les Japonais sont réputés pour bosser beaucoup aussi, non ? Ça ne les empêche pas...
Oui, mais les Vietnamiens aussi... le Vietnam je pense c’est le seul pays pour l’instant ils ont pas fait déficit. Le futur riche, c’est les Vietnamiens, je vous le dis en face !
K : Vous retournez au Vietnam un peu ? Vous êtes né là-bas, c’est ça ?
Non, je suis né au Laos. Je suis d’origine vietnamienne mais je suis né au Laos.
K : Et vous y retournez, là ?
Ben là, normalement l’année prochaine, j’espère. On part tous, tout la famille complète.
K : Au Laos ou au Vietnam ?
Ben, les deux..., les trois, les quatre même ! On va essayer de le faire. On va essayer de partir un mois et demi. Parce qu’en fait mon rêve, et ma sœur aussi, c’est de partir, cette fois-ci, même si ça coûte cher, avec mon père et ma mère. Parce que comme il vont pas rester, moi je préfère aller maintenant... Même si il faut faire un crédit ou un truc comme ça, ben je partirai pour qu’ils me montrent la racine. Parce que là-bas il y a encore le frère de ma grand-mère, le frère de mon grand-père et tout et tout. Il va me montrer tout c’qu’y a, comme ils ont des trucs, comment s’appelle... Comme ils ont des champs de blé, des trucs ancien temps, et mon père, ils ont un côté, eux, c’est des ministres, des trucs comme ça. Nous, on veut voir...!
Propos recueillis par Christian Gallerini, Yannis Barka et Lynda Ledolley - Photos : Jaime Rojas
[1] Dragon Ball est inspiré du conte chinois "Le Voyage en Occident". Voir Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Voyage_en_Occident
[2] Le syndrome de Peter Pan est un trouble caractérisé par la peur de grandir. La maturité affective est impossible à atteindre. Voir, par exemple, l’article de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_de_Peter_Pan
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